Résumé :
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Le philosophe aborde souvent les phénomènes moraux avec la distance critique du théoricien désireux de produire un savoir assuré, fondé sur des principes universels et incontestables : le droit, le devoir, la justice, la liberté, l'utilité... L'histoire récente de nos sociétés à d'ailleurs multiplié les occasions (exploits techniques et médicaux, menaces écologiques, déséquilibres socioéconomiques, demandes de reconnaissance de groupes minoritaires, etc.) de solliciter de sa part les lumières qui nous permettraient de bien évaluer les forces qui s'affrontent, de départager les points de vue. Et certes tout cela soulève des questions morales importantes. Mais le philosophe néglige, en s'y cantonnant, ce qui constitue pourtant l'essentiel de la vie morale de chacun de nous, toutes ces interrogations et ces problèmes, petits et grands, qui émaillent notre vie quotidienne et qui nous sont inspirés par le cours de nos interactions avec notre entourage immédiat, par le spectacle, parfois navrant de nos nouvelles manières de vivre, mais surtout, au bout du compte, par notre souci fondamental de mener, pour nous-mêmes et avec ceux qui nous entourent, une vie bonne. Ce sont ces formes concrètes et enracinées de notre vie morale que présente cet ouvrage à travers des histoires de vie déroutantes, l'épreuve réelle de femmes confrontées à l'avortement, les expériences ordinaires de la vengeance, du pardon, du don et de la gratitude. Au lieu de s'éloigner du monde vécu pour s'assurer de pouvoir élaborer ses principes et ses constructions théoriques en toute quiétude, l'auteur croit que le philosophe devrait chercher à retrouver le sens de l'expérience morale en la raccordant aux autres dimensions de la vie humaine. Et peut-être renoncer au fantasme d'édifier un système théorique inébranlable pour regarder la morale comme une réalité dynamique, vivante et mouvante que l'être humain n'aura jamais fini de construire.
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