Résumé :
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A ceux qui ont pu s'étonner de l'estimation globalement positive de la phénoménologie par Auguste Comte, les historiens et les philosophes des sciences ont pu opposer des arguments épistémologiques et méthodologiques convaincants, qui permettent de rendre raison de l'engouement comtien pour une entreprise souvent considérée aujourd'hui comme irrémédiablement pseudo-scientifique. Pourtant, il existe d'autres motivation de nature politique ou - comme Comte le dirait lui-même - sociologique, qui nous paraissent pouvoir expliquer cet engouement mais qui n'ont pas jusqu'ici reçu la même attention. En effet, la "physiologie phénoménologique" fournit à l'édifice comtien la base d'une authentique"théorie de la nature humaine" à partir de laquelle penser l'organisation ou la réorganisation des sociétés occidentales. Ce rôle crucial dévolu à la phrénologie n'est quant à lui que l'illustration d'une spécificité encore plus générale du système comtien, à savoir le rapport privilégié, dans l'ordre de la connaissance, qui unit sociologie et biologie. Or, pour bien saisir toute la difficulté du problème du rapport biologie/sociologie chez Comte, il est éclairant de considérer la manière dont il s'articule dans le cas précis de la question de l'égalité des sexes. Ce que nous aimerions mettre en évidence, en nous appuyant plus particulièrement sur la correspondance de Comte et John Stuart Mill lue à la lumière du Cours de philosophie positive, c'est la manière dont la biologie, et en particulier la phrénologie, œuvre de manière souterraine au cœur même de l'argument sociologique de Comte en faveur de l'assujettissement des femmes et les conséquences potentielles de cette "contamination" biologique.
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