Résumé :
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Les défis ponctuent l'histoire des mathématiques des XVIè et XVIIè siècles, depuis l'amère dispute sur les équations cubiques entre Tartaglia, Cardan et Ferrari dans les années 1540 jusqu'au conflit de dimension européenne sur la cycloïde, un siècle plus tard. Si l'histoire culturelle s'efforce de contextualiser ces défis en les rapprochant d'autres pratiques contemporaines, comme les duels ou l'autopromotion dans certains marchés de compétences, l'histoire des mathématiques les a généralement traités comme les restes puérils d'un âge préscientifique que la science moderne et son idéal baconien de coopération allaient bientôt balayer. Pourtant, le nombre de défis et de controverses semble croître à l'intérieur d'une des premières organisations scientifiques visant à une collaboration efficace entre ses membres : le cercle de Marin Mersenne. C’est ce paradoxe qui est au centre de l'article : il s'agit d'y examiner le rôle des défis, et des controverses qui sont attachées, dans l'économie des échanges mathématiques (et de la création mathématique) dans la France moderne. Nous y montrons, en étudiant des cas réussis, mais aussi quelques échecs, comment ces défis opéraient : non seulement comme mises en scène d'oppositions méthodologiques, mais aussi et surtout comme liens dans un environnement mathématique structuré par les correspondances et la résolution de problèmes. Cette situation montre en particulier que les controverses potentielles ont pu être une partie constitutive des activités scientifiques normales, et non leur rupture, tout en formant leur développement dans des directions spécifiques.
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