Résumé :
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La philosophie de Canguilhem s'est développée dans un contexte particulier, celui d'une période - -les années 1930 et 1940 - où la biologie était devenue un objet d'intérêt pour quelques jeunes philosophes français. Cet article souhaite questionner certaines convergences intellectuelles afin de montrer que Canguilhem ne fut pas isolé dans son projet d'élaborer une réflexion philosophique fondée sur les sciences de la vie. Pour Raymond Aron, ce fut la crise épistémologique d transformisme français qui fut l'occasion de réinvestir la problématique de la philosophie de l'histoire. Dans son livre de 1931, Le Problème de l'évolution, Maurice Caullery avait soutenu que, bien que l'existence de mécanismes lamarckiens n'ait pas été démontrée dans le présent, ceux-ci avaient dû être à l’œuvre dans le passé. Comme Aron s'appliqua à le montrer en 1938 dans son introduction à la philosophie de l'histoire, ce geste épistémique rendait possible le déploiement d'une théorie de l'histoire. Ce fut l'embryologie qui permit à Raymond Ruyer d'opérer la transition d'un formalisme mécaniste vers un finalisme néomatérialiste. Ce n'est qu'après avoir été instruit auprès d’Étienne Wolff, durant les années où ils furent tous deux prisonniers de guerre, que Ruyer fut capable de faire toute sa place à la temporalité au sein de son matérialisme philosophique. Les exemples d'Aron et Ruyer nous montrent que la rencontre de Canguilhem avec la biologie ne fut pas un cas unique, et aident en particulier à comprendre la signification et l'importance pour l’élaboration de sa propre pensée de la réflexivité et de l'histoire.
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