Résumé :
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Le livre Le Hasard et la nécessité est incontestablement un livre à thèse, et celles-ci n'y sont pas énoncées timidement. L'une d'elle est l'affirmation que le vivant moléculaire procède du jeu de la nécessité, du hasard et de la finalité. Le titre du livre de Monod est devenu si célèbre qu'il masque désormais à quel point cette place faite au hasard et surtout à la finalité n'avait rien d'évident lorsqu'on envisage la manière dont le problème de l'adaptation enzymatique était posé au début des années cinquante à l’Institut Pasteur. L'objet de cet article est de montrer comment et pourquoi Jacques Monod a opéré un revirement complet dans sa conception des rapports entre nécessité, hasard et finalité au cours de sa carrière. Ce renversement s'est accompagné de la montée en puissance et de la transformation d'un concept particulier, propre à Monod, celui de gratuité. Introduit au début des années cinquante comme qualifiant certaines conditions expérimentales, il devint progressivement un authentique attribut du vivant. Il s'agira ici de révéler les changements d'attitude de Monod au prisme de l'histoire du concept de gratuité, une histoire profondément enracinée dans le travail expérimental quotidien du groupe pasteurien.
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